Superstartup deprimeert jonge generatie
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Le modèle de la super start-up déprime la jeune génération

Les jeunes Belges entrevoient un avenir économique sombre. Une évolution regrettable qui se traduit par une baisse du nombre de nouvelles entreprises. L’antidote au pessimisme économique de la jeunesse ? Certainement pas les récits héroïques de la super start-up. Ils sont irréalistes et déprimants.

Les jeunes Wallons, Bruxellois et Flamands ressentent incertitude et pessimisme quant à leur avenir : c’est ce que met en lumière le sociologue bruxellois Mark Elchardus dans son ouvrage paru récemment, Voorbij het Narratief van Neergang. Mark Elchardus tire cette conclusion des entretiens qu’il a menés avec 2 000 jeunes Belges en 2013. Plus de 89 % des jeunes craignent que les entreprises délocalisent massivement leurs activités vers les pays à bas salaires. L’écrasante majorité des jeunes s’inquiètent aussi d’une baisse des créations d’emplois, d’un écart croissant entre les riches et les pauvres mais aussi d’une fragilisation du système de la sécurité sociale.

Cette vision sombre de l’avenir économique de la jeunesse belge se traduit dans l’évolution du paysage des entreprises. Les chiffres récents compilés par Graydon révèlent ainsi qu’en 2014, 81 660 entreprises ont été créées et 78 928 ont été dissoutes, soit une croissance nette d’à peine 2 732 entreprises. Si nous les comparons aux années précédentes, c’est la plus faible hausse enregistrée. Pour vous donner une idée : en 2007, juste avant le déclenchement de la crise économique, nous observions une croissance nette de 27 946 entreprises.

Évolution alarmante

Il faut préciser toutefois que les chiffres très décevants de 2014 s’expliquent en partie par la hausse annoncée de l’impôt sur le boni de liquidation, qui a incité différents chefs d’entreprise à arrêter leur société anticipativement ou à la délocaliser à l’étranger. Mais il faut citer d’autres facteurs explicatifs dans la mesure où la tendance à la baisse de la croissance nette du nombre d’entreprises est manifeste depuis deux ans déjà, ce que semblent ignorer les milieux politiques et groupes de pression de tout poil. En 2014, pour la première fois dans l’histoire des entreprises belges, on a dénombré davantage de sociétés dissoutes que de sociétés créées. Et la tendance s’amplifie. Au cours des premiers mois de 2015, le nombre de sociétés a continué à diminuer alors que le nombre de nouvelles sociétés unipersonnelles a reculé pour la première fois depuis 2009.

Ce tableau sombre ne laisse pas d’inquiéter. L’esprit d’entreprise en perte de vitesse chez la nouvelle génération est même une évolution alarmante dans la mesure où les nouvelles entreprises d’aujourd’hui sont à la base des innovations et des créations d’emplois de demain. Et si la tendance négative se poursuit, cet avenir semble en effet tout sauf rose.

Qu’est-ce qui fonde la peur ou la réticence des jeunes à créer une entreprise ? Les séquelles de la crise y jouent certainement un rôle, tout comme les handicaps belges traditionnels qui ont pour nom coût salarial et pression fiscale. Mais un facteur psychologique intervient également. Lorsque les médias parlent des jeunes entrepreneurs, ce sont toujours les mêmes qui reviennent au devant de la scène : le triomphe de Tomorrowland, les développeurs d’applis et les success stories dans la Silicon Valley. Des initiatives d’entrepreneurs hors pair certes, mais pas vraiment des modèles susceptibles de motiver toute une génération.

Entreprendre ne nécessite pas en effet de nourrir de grandes ambitions (du moins pas toujours). Près de la moitié des entreprises belges est constituée de sociétés unipersonnelles, et un quart de SPRL. De nombreux plombiers, magasins locaux, boulangeries et petites PME donc. Leur principal objectif ? Bien vivre. Sans croissance débridée, sans internationalisation, sans vision du type « the sky is the limit ». Et il n’y a rien de mal à cela. Ces entreprises n’en sont pas moins bonnes ou moins saines, au contraire. Elles constituent d’ailleurs le cœur de notre tissu économique : leur ancrage en Belgique assure aux pouvoirs publics des recettes et une croissance économique à long terme.

Steve Jobs

Un Steve Jobs n’est pas en gestation dans chaque village ou ville belge. Assimiler l’esprit d’entreprise aux innovations technologiques, aux ambitions faramineuses et aux business plans grandioses en effraie plus d’un et produit même un effet déprimant. Beaucoup estiment donc qu’ils ne sont pas faits pour l’entrepreneuriat. C’est dommage parce que nos villes et communes belges recèlent certainement bon nombre d’entrepreneurs potentiels.

Des initiatives comme Bryo du Voka ou Telenet Idealabs contribuent indiscutablement à l’esprit d’entreprise de la jeunesse de notre pays. Mais il en faut plus. La société dans son ensemble – pouvoirs publics, médias, société civile – se gargarise trop de ces récits mettant en vedette les héros d’une super start-up. Ils font ainsi inconsciemment une mauvaise publicité aux entreprises.  

Dans l’enquête de Mark Elchardus, 75 % des jeunes interrogés estiment, malgré leur vision générale pessimiste, que leur propre avenir s’annonce bien. Autrement dit, ils croient qu’ils mèneront une belle vie. Si nous voulons davantage d’entreprises dans notre pays, ne serait-il pas beaucoup plus efficace, plutôt que porter au pinacle des héros, de promouvoir l’entrepreneuriat comme une manière réaliste et stimulante de se donner les meilleures chances de bien vivre ?

Cet article est la deuxième partie de la série « Trends », qui commente quelques conclusions étonnantes de l’étude récente « Evoluties in het bedrijvenlandschap ». Lisez aussi le premier article: Le bonus de liquidation hypothéque notre croissance économique future.

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