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OPINION : La loi relative au comportement de paiement B2B doit être améliorée

La loi relative à la lutte contre les retards de paiement (en abrégé : la loi comportement de paiement B2B) est entrée en vigueur en décembre 2013. Elle prescrit des règles qui s'appliquent autant aux paiements B2B que G2B (Government to Business). Une évaluation s'impose car, depuis le début de l'année dernière, le comportement de paiement s'est fortement détérioré.

La loi découlait d'une directive européenne, qui devait être transposée dans la législation nationale avant le 16 mars 2013. Notre pays n'a pas respecté ce délai. La directive européenne avait à son tour pour cadre le ‘Small Business Act’ dont le but était de créer des conditions favorables pour la croissance et la compétitivité des PME européennes. Elles constituent le fondement du tissu économique au sein de l'Europe et devaient donc être activement soutenues. 

Ce n'était pas trop tôt. Aujourd'hui, de nombreuses entreprises connaissent des problèmes de liquidités et elles éprouvent même de graves difficultés quand leurs clients payent trop tard. Nous avons déjà démontré que plus de 25 % des faillites sont la conséquence de défauts de paiement. L'enquête que nous avons réalisée récemment montre clairement que les chefs d'entreprise considèrent les retards et les défauts de paiement comme un problème essentiel. La loi relative à la lutte contre les retards de paiement devait au moins être une amorce pour une meilleure éthique dans les affaires.

À terme, la nouvelle loi devait entraîner une amélioration de la position de liquidité des PME. En effet, la baisse du préfinancement de la production et du cycle de vente signifie une réduction importante des coûts. Le fait que moins de fonds propres ou moyens de fonctionnement supplémentaires sont nécessaires entraîne un accroissement des bénéfices. Les liquidités disponibles peuvent ensuite être consacrées plus facilement aux investissements, aux recrutements et à l'innovation. À terme, la transposition de la directive européenne dans le droit belge devait être un solide stimulant économique, notamment pour les PME.

Pouvons-nous évaluer les effets de la loi après trois ans ?

Il a été observé que les deux premières années, le comportement de paiement des entreprises s'est systématiquement amélioré. L'amélioration a même été supérieure aux attentes. Il est très révélateur que, à partir de 2015, le comportement de paiement B2B a égalé et même dépassé le niveau d'avant la crise.

L'une des explications possibles était l'influence de la réforme de la loi. La loi a sans aucun doute donné des arguments aux entreprises, notamment les grandes, pour inciter leurs clients à payer plus vite. La gestion de crédit s'est encore professionnalisée. 

Nous observons très clairement que les fournisseurs – surtout dans les entreprises bien organisées – réclament plus vite leur argent. Il est révolu le temps où l'on attendait 30 jours avant d'agir. Les entreprises organisées lancent les premières actions au maximum cinq jours après l'échéance. Nous voyons aussi que les délais de paiement font de plus en plus souvent partie des négociations commerciales. Par ailleurs, un nombre croissant d'entreprises se tournent vers la facturation électronique.

À l'inverse, il y a clairement de grands acteurs (pas tous) qui profitent de la loi pour payer encore plus lentement. La loi prévoyait que, très exceptionnellement et à des fins d'équité, des accords pouvaient être contractés pour payer à plus de 30 jours ou même 60 jours. Les grands acteurs (une fois encore, pas tous) ont transformé l'exception en règle et l'ont imposée à leurs (petits) fournisseurs. Le fait que ces ‘moyens détournés’ deviennent de plus en plus la règle est une explication possible de la chute du comportement de paiement B2B depuis le début de cette année. 

Dans ce cas, l'effet réel de la loi reste limité. Pire encore, le texte de compromis donne lieu à des applications imprévues et a donc des effets contraires à l'objectif poursuivi. Ce sont surtout les petits acteurs, qui n'ont pas le pouvoir de taper du poing sur la table, qui en sont les victimes. 

Améliorer la loi peut favoriser une évolution positive, de sorte que la position de liquidité des PME soit davantage soutenue.

Il faut résoudre trois problèmes

  • Il faut vraiment mettre tout en œuvre pour parvenir à un délai de paiement maximal de 30 jours. Si des exceptions sont convenues, elles doivent être adaptées aux meilleures pratiques du secteur. Il faut un cadre de référence définissant clairement l'équité. 
  • Il faut intervenir activement contre ceux qui ne respectent pas leurs engagements de paiement, quels qu'ils soient. Les grands acteurs disposent des moyens nécessaires, mais les PME doivent être aidées.
  • La loi règlemente les engagements de paiement entre les entreprises. Pas entre les entreprises et les particuliers. Les PME qui vendent aux particuliers – comme par exemple le secteur de la construction où le client final paie souvent très lentement – sont donc les dindons de la farce.  

Délais de paiement équitables sur la base des meilleures pratiques

La loi prévoit des exceptions en fonction de l'équité (entreprises) et de missions plus vastes ou complexes (autorités). Le législateur a fait une tentative méritoire pour définir cette équité. On peut tout de même se demander comment elle sera interprétée par la justice (si de telles affaires arrivent devant un tribunal). 
Pour documenter ces meilleures pratiques, vous trouverez dans l'étude ci-dessous (annexe 3) un aperçu par secteur des valeurs médianes et quartiles du nombre de jours crédit clients et jours crédit fournisseurs.

Étude comportement de paiement T3 2017Nous pouvons aussi nous demander quel cadre de référence sera utilisé pour déterminer les habitudes du secteur. Se satisfait-on d'une moyenne ou s'efforce-t-on de prendre pour exemple les meilleurs payeurs dans un secteur ? Si on suit l'esprit de la loi, on opte pour la deuxième solution. 

Empowerment des PME en cas de retard de paiement

La loi laisse le créancier libre d'imposer des frais et des intérêts en cas de paiement tardif. La question est de savoir dans quelle mesure la PME/le créancier aura les moyens de les percevoir. Souvent, le fournisseur n'osera pas réclamer des frais et des intérêts, par peur de nuire à la relation commerciale ou d'insulter des clients importants. 

Il est possible de résoudre ce problème de deux façons.

Le législateur peut soutenir les organisations professionnelles qui représentent les entreprises. En collaboration avec des entreprises spécialisées et le système judiciaire, elles peuvent élaborer un fonctionnement qui permettrait de détecter et d'arrêter les mauvais payeurs notoires, et surtout les ‘violateurs d'équité'. 

Les instances officiellement reconnues en tant qu'organisations représentant des entreprises (Unizo, VOKA, …) ou celles y ayant un intérêt légitime (fédérations professionnelles…) devraient, en collaboration avec des fournisseurs de données disposant de données nécessaires, avoir la possibilité de saisir le tribunal pour signaler des abus. Au nom de leurs membres, les organisations professionnelles doivent pouvoir se retourner contre les entreprises et les organismes publics qui prennent systématiquement des libertés avec les intentions de la loi. 

Chaque bureau comptable pourrait aussi – comme cela se fait en France – être contraint de se doter d'un automatisme où, à partir de l'échéance, il rappellerait systématiquement les frais et intérêts dus au débiteur. Cela mettrait déjà un terme au 'moyen détourné' consistant à envoyer simultanément une facture d'intérêt et une note de crédit.

Particuliers 

Les PME qui travaillent pour les particuliers avancent souvent le matériel et le travail, après quoi elles attendent leur argent pendant longtemps. Rares sont les PME qui osent encore demander des avances à leur client. Comme par exemple le secteur de la construction, où il arrive souvent que les consommateurs ne payent pas une partie de la somme due à titre de garantie contre les éventuels défauts de construction. Ne devrions-nous pas réfléchir à l'introduction d'une avance partielle ? Ici aussi, le législateur peut jouer un rôle, par exemple sous la forme d'une loi séparée relative aux conditions de paiement pour les particuliers. 

Un changement de mentalité profond est nécessaire et cela commence par une prise de conscience de la part des PME elles-mêmes. Être mieux payé et – surtout – mieux se faire payer constitue souvent la différence entre bénéfice et perte. Pour les PME, la gestion de la prévention apparaît donc tout aussi essentielle. Avant de se lancer dans une nouvelle relation d'affaires, un entrepreneur doit connaître le niveau de solvabilité de son futur client ou prospect, et le contrôler sérieusement par la suite. 

Un changement de mentalité est également nécessaire dans le chef des mauvais payeurs. Les entreprises (ou les autorités) qui recherchent les retards de paiement, ne respectent volontairement pas les accords ou abusent de leur position de force, appartiennent du point de vue éthique au même groupe que les organisations qui se rendent coupables de travail au noir ou qui ne payent pas leurs cotisations sociales. Dans les deux cas, il s'agit de préférence du marché et de distorsion de la concurrence. Et même de fraude. 

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