5 recommandations pour améliorer la LCE (4/5)
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5 recommandations pour améliorer la LCE (4/5)

Ces derniers jours, Eric Van den Broele a déjà expliqué trois recommandations pour améliorer la loi LCE. Aujourd’hui, il vous explique une quatrième recommandation, car six ans après sa promulgation, la Loi relative à la continuité des entreprises présente toujours de graves manquements.

Recommandation 4 : Plus de certitude pour le fournisseur, contre la guérilla de l’ONSS et des instances fiscales

La Loi relative à la continuité des entreprises veut-elle avoir des chances de réussite ? Le pourcentage de survie des entreprises en sursis doit-il augmenter ? Dans ce cas, le fournisseur doit également être certain qu'il va toucher son argent si la réorganisation échoue. Sans cette confiance, le fournisseur refusera de livrer à crédit. Et la position de liquidité du débiteur sera encore davantage compromise.

Pourtant, on observe depuis l’entrée en vigueur de la loi (avril 2009), que les instances fiscales, mais surtout l’Office National de la Sécurité Sociale, mettent des barrières et mènent même une véritable guérilla. Le pouvoir législatif, qui souhaite, via la LCE, offrir aux entreprises en difficulté une chance de survivre, se laisse donc mettre des bâtons dans les roues par ses propres services publics.

Dettes faites durant le sursis

Lorsque la procédure de réorganisation judiciaire débouche quand même sur une faillite, les dettes faites pendant cette période sont des dettes de la masse. Qu’il s’agisse de nouveaux accords ou de contrats déjà en cours avant la procédure. Le but du législateur était manifestement de veiller à ce que les créanciers ne résilient pas leurs accords commerciaux et contractuels. Il voulait protéger en quelque sorte l'entreprise en difficulté, lui donner une sécurité. Sans le soutien et la confiance des fournisseurs, toute réorganisation est en effet vouée à l'échec.

Peu après l’entrée en vigueur de la LCE en 2009, l’ONSS et l’administration fiscale invoquaient l’article 37 pour encaisser les cotisations sociales pour les trimestres suivant le début du sursis. Les administrations considéraient en effet que les cotisations sociales provenaient de prestations fournies à l’entreprise par des travailleurs contractuellement liés après le sursis.

Le gouvernement privilégie le créancier

Le même raisonnement a d'ailleurs été défendu pour ce qui concerne les dettes faites avant le sursis. L'amendement législatif du 1er août 2013 stipulait qu'un plan de restructuration devait prévoir le remboursement des dettes faites avant le sursis, avec un minimum de 15% (LCE article 49, 1er alinéa). Il était également stipulé que les créanciers publics devaient toujours être considérés comme formant le groupe le plus privilégié. Les dettes issues de prestations de travail (en d’autres termes, le salaire) pouvaient être totalement payées en outre.

Les autorités fiscales suivaient le même raisonnement et considéraient que les dettes concernant le précompte professionnel étaient issues de prestations de travail et que toute remise de dette serait donc nulle. Ce point de vue a été toutefois contredit par différents tribunaux.

L’article 37 est fortement contesté

L’interprétation par le fisc et l’ONSS de l’article 37 est fortement contestée. La jurisprudence de ces dernières années en la matière est pour le moins contradictoire. Certaines Cours d’Appel se sont prononcées pour ce raisonnement. Et d’autres non, évoquant les travaux parlementaires à la base de la loi. En réalité, les “opposants” considéraient qu’avec l'article 37, le législateur avait nettement l'intention de garder la confiance des fournisseurs.

L’arrêt de la Cour de Cassation (chambre francophone) du 16 mai 2014 a tranché. Celle-ci a estimé que le précompte professionnel et les cotisations sociales font partie de la rémunération à laquelle le travailleur a droit. Et donc, que la condition de l’article 37, la fourniture d’une prestation pendant le sursis, est remplie. L’arrêt est consécutif à la grande diversité de la jurisprudence précédente.

Une incertitude absolue

Un arrêt clair, c’est vrai. Mais contraire à l’intention d’origine de l’article. Pour promouvoir les chances de continuité d’une entreprise en difficulté, il est en effet essentiel que les fournisseurs directs aient confiance. Et que ces contractants soient privilégiés si la situation tourne mal. Maintenant, les fournisseurs qui poursuivent leurs livraisons après le sursis, savent qu’en cas d’échec, ils auront affaire à la concurrence directe de l'ONSS et de l'administration fiscale. Après cet arrêt, plus aucun fournisseur ne sera plus disposé à donner du crédit s'il sait que l'ONSS ou le fisc sont co-créanciers. Le fournisseur exigera un paiement au comptant immédiat à la livraison.

Et, cerise, sur le gâteau, un nouvel arrêt vient d’être édicté, le 27 mars 2015. Émanant, cette fois, de la chambre néerlandophone de la Cour de Cassation. Celui-ci adopte exactement le point de vue contraire, en mettant nettement l’accent sur la confiance des fournisseurs.

Une incertitude totale, donc. Il est grand temps que le législateur intervienne dans cette matière aussi. Le législateur doit revenir à l’intention originelle de la loi : donner confiance au fournisseur de l’entreprise en difficulté.

Lisez aussi :

Au-delà de la LCE, l'étude complète des six années de LCE

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